Module 1 : Pharmacoéconomie – description et objet
Introduction
Le présent module a pour objet de vous initier à une discipline en plein essor : la pharmacoéconomie.
Notre objectif premier est de vous familiariser avec la terminologie et les principes de la pharmacoéconomie.
La pharmacoéconomie tient aujourd’hui une place essentielle dans la prise de décisions liées aux soins de santé. En comprenant mieux la pharmacoéconomie, vous serez davantage en mesure de communiquer avec les médecins, les pharmaciens et les autres décideurs du secteur de la santé.
Plan du module
Ce module renferme un seul chapitre :
Chapitre 1 : Pharmacoéconomie : description et objet
Objectifs d’apprentissage
Après la lecture de ce chapitre, vous devriez être en mesure d’atteindre les objectifs suivants :
- Énumérer les principales catégories de dépenses de soins de santé au Canada.
- Décrire les types de financement offerts au Canada pour les dépenses liées aux médicaments.
- Expliquer la différence entre l’économie de la santé et la pharmacoéconomie.
- Énoncer les principaux objectifs de la pharmacoéconomie.
- Exposer les principales implications de la pharmacoéconomie pour les fabricants de médicaments.
- Décrire les répercussions de la pharmacoéconomie sur l’industrie pharmaceutique.
- Définir les applications pratiques de la recherche pharmacoéconomique pour les décideurs clés.
Dépenses nationales en matière de soins de santé
Au Canada, les dépenses liées aux soins de santé représentent une part appréciable du produit national brut (PNB), comme dans la plupart des pays industrialisés.
En 2002, le total des dépenses liées aux soins de santé monopolisait 9,6 % du PNB canadien. Cette année-là, les dépenses de soins de santé totales exprimées en pourcentage du PNB s’établissaient :
- à 14,6 % aux États-Unis;
- à 10,9 % en Allemagne;
- à 9,7 % en France;
- à 7,8 % au Japon; et
- à 7,7 % au Royaume-Uni.
En 2004, on estimait à 130,3 milliards de dollars les dépenses de soins de santé au Canada, chiffre qui ne cesse d’augmenter. La part du secteur public dans ces dépenses était de 91,1 milliards de dollars (70 %), tandis que celle du secteur privé s’élevait à 39,2 milliards de dollars (30 %). Pour 2004, les dépenses de soins de santé totales par habitant étaient évaluées à 4 078 $.
Plusieurs facteurs sont associés à la hausse des frais de soins de santé au Canada, dont ceux-ci :
- le vieillissement de la population;
- les progrès technologiques;
- l’inflation; et
- l’augmentation des dépenses liées aux médicaments.
Les dépenses liées aux soins de santé peuvent être regroupées en huit grandes catégories (voir la figure 1.1-2). Le gros des sommes consacrées à la santé est affecté aux services hospitaliers (29,9 %), puis aux médicaments (16,7 %) et à la rémunération des médecins (12,9 %). Les dépenses liées aux médicaments croissent plus rapidement que les dépenses totales. En 1980, les médicaments accaparaient une part moindre du total des dépenses de soins de santé que la rétribution des médecins (14,7 % contre 8,5 %), mais depuis 1996, elles représentent une part plus importante.
Financement des dépenses liées aux médicaments au Canada
Les ventes de médicaments, d’ordonnance et en vente libre, constituent le deuxième chef de dépenses de santé en importance. Les sommes affectées aux médicaments ont augmenté à un rythme soutenu au fil des ans – leur taux de croissance a d’ailleurs dépassé celui des dépenses totales –, de sorte que la part des médicaments dans le total des dépenses de soins de santé est passée de 8,4 % à la fin des années 1970 à 16,7 % en 2004. Les médicaments en vente libre représentent environ 17 % du total de l’argent consacré aux médicaments.
À l’exception de ceux distribués dans les hôpitaux, les médicaments (d’ordonnance et en vente libre) ne sont pas assujettis à la Loi canadienne sur la santé. Ils ne sont donc pas financés à même le Trésor public, contrairement aux soins médicaux, aux soins hospitaliers et aux médicaments administrés aux patients hospitalisés. Le coût des médicaments employés à l’extérieur de ce cadre relève de divers payeurs, dont l’État fédéral et les provinces, les assureurs privés et les consommateurs.
Il existe deux types de régimes d’assurance médicaments : les régimes privés et les régimes publics. Les particuliers peuvent adhérer à un régime privé offert par leur employeur ou par un regroupement comme une association professionnelle. Ils peuvent aussi adhérer à un tel régime à titre individuel.
Des régimes publics d’assurance médicaments sont financés par chaque province et par le fédéral. Le régime fédéral s’applique aux Amérindiens, aux Inuits et aux Innus admissibles, aux militaires et aux anciens combattants, aux membres de la GRC et aux détenus incarcérés dans un pénitencier.
Chacun des régimes provinciaux est assorti d’un large éventail de programmes, de prestations, de modalités d’admissibilité et de protections. Dans certaines provinces (Saskatchewan, Manitoba et Colombie-Britannique), l’assurance est universelle – tous les résidents de la province y sont admissibles –, tandis que, dans d’autres provinces, seuls certains groupes peuvent se prévaloir du régime provincial. En général, les groupes admissibles aux régimes provinciaux non universels sont les personnes âgées, les prestataires de l’aide sociale et les personnes résidant dans un établissement de soins.
Dans certaines provinces, il existe des dispositions conférant une protection particulière contre les frais de médicaments exceptionnellement élevés. Au Québec, toutes les personnes non assurées en vertu d’un régime privé sont assurées d’office aux termes du régime provincial, même si elles ne sont pas des personnes âgées ou des prestataires de l’aide sociale.
Outre l’admissibilité d’un participant à un régime d’assurance médicaments, d’autres éléments distinguent les régimes les uns des autres. Dans certains régimes, le bénéficiaire verse une contribution financière prenant la forme d’une prime ou d’une franchise, d’une coassurance ou d’une formule mixte.
L’augmentation du total des dépenses liées aux soins de santé, tout particulièrement la hausse des frais de médicaments, exerce une forte pression sur les pouvoirs publics, les tiers payants et les consommateurs. Tous les payeurs de soins de santé sont soumis à d’écrasantes contraintes financières. Il faut aujourd’hui considérer l’adoption de nouvelles technologies de la santé, notamment les nouveaux médicaments, non seulement du point de vue de leur innocuité et de leur efficacité, mais aussi de leurs répercussions sur le plan économique. Ces considérations ont donné lieu à l’élaboration de stratégies visant à freiner la hausse des coûts, comme l’inscription différée et l’utilisation restreinte.
Dans le cas des médicaments, cette augmentation des coûts a aussi entraîné l’élaboration de stratégies, comme les listes de médicaments d’usage restreint, les politiques favorisant les médicaments génériques et l’utilisation restreinte à certains patients ou à certains cas particuliers.
Comme les ressources sont limitées, toutes les interventions sûres et efficaces ne peuvent pas être adoptées. Il faut choisir parmi plusieurs interventions efficaces. En décidant de payer une intervention, on en exclut forcément d’autres. Devant ces contraintes, il a fallu en venir à estimer le caractère judicieux des sommes consacrées aux produits pharmaceutiques, d’où la naissance de la pharmacoéconomie.
Économie de la santé et pharmacoéconomie
L’économie de la santé est une discipline qui s’emploie à analyser l’aspect économique de la santé et des soins de santé. Elle est axée sur les coûts (les intrants) et les conséquences (les résultats) des interventions liées aux soins de santé.
La pharmacoéconomie représente un volet de l’économie de la santé. La pharmacoéconomie est la discipline scientifique qui s’attache à la valeur globale des produits, services et programmes de soins de santé pharmaceutiques.
Contrairement aux autres types d’évaluation, comme les études de coûts ou les essais cliniques avec répartition aléatoire, qui portent uniquement sur les intrants (les coûts) des interventions ou sur leurs conséquences (les résultats cliniques), les études pharmacoéconomiques font appel à des techniques descriptives et analytiques pour l’évaluation tant des intrants que des conséquences.
Autrement dit, les études pharmacoéconomiques s’attachent aux ressources consommées lors des interventions et aux conséquences ou aux résultats de ces mêmes interventions (voir la figure 1.1-3).
Objectifs de la pharmacoéconomie
La pharmacoéconomie a principalement pour but de cerner, de mesurer, d’évaluer et de comparer les coûts et les conséquences d’options envisagées pour la prise de décisions éclairées considérant les aspects économiques d’une intervention ou d’un programme.
La pharmacoéconomie ne vise pas la réduction des coûts. Elle sert plutôt à évaluer un traitement médicamenteux afin qu’on puisse déterminer s’il produit de bons résultats compte tenu de l’argent qu’on y consacre. En clair, un nouveau médicament peut être plus onéreux qu’un traitement existant, mais valoir largement le coût supplémentaire.
La pharmacoéconomie constitue vraiment une démarche multidisciplinaire faisant intervenir la médecine, l’économie, la pharmacie, la pharmacologie et la thérapeutique, la biostatistique, l’épidémiologie, le droit, l’éthique et les politiques en matière de santé.
On utilise surtout la pharmacoéconomie pour appuyer le processus décisionnel dans le domaine de la santé. Il existe de nombreux cas où la pharmacoéconomie peut venir en aide aux décideurs, dont les suivants :
- adoption d’un médicament ou d’un traitement par diverses autorités en matière de santé (p. ex., régimes d’assurance médicaments provinciaux, hôpitaux, autorités sanitaires
régionales); - détermination du prix des médicaments;
- établissements des priorités dans le domaine de la recherche;
- élaboration de lignes directrices en matière de pratique clinique.
Implications de la pharmacoéconomie
Pour les fabricants de médicaments au Canada, la pharmacoéconomie a trois implications pratiques essentielles :
- justifier d’un point de vue pharmacoéconomique l’emploi de leurs produits compte tenu de l’innocuité et de l’efficacité de ces derniers;
- obtenir éventuellement un avantage concurrentiel, car les données pharmacoéconomiques peuvent être utilisées à des fins promotionnelles; et
- encourager l’utilisation de traitements efficients.
Répercussions de la pharmacoéconomie sur l’industrie pharmaceutique
La pharmacoéconomie est une discipline relativement nouvelle qui a connu un essor important au cours des deux dernières décennies. Le Canada est, à l’instar de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni, l’un des pays où la pharmacoéconomie a un grand retentissement.
Le Canada est l’un des rares pays à s’être doté de lignes directrices pour l’évaluation économique des produits pharmaceutiques. Au départ, ces lignes directrices ont été élaborées en Ontario. Par la suite, l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) a pris en charge leur mise à jour et leur raffinement, et publié un ouvrage intitulé Lignes directrices pour l’évaluation économique des produits pharmaceutiques : Canada. L’ACMTS est un organisme indépendant financé par les provinces, les territoires et Santé Canada. Les premières lignes directrices élaborées sous l’égide de l’ACMTS ont été publiées en 1994. Une deuxième édition est parue en 1997, et la toute dernière version a été publiée en mars 2006. Ces lignes directrices visent à aider les auteurs d’évaluations économiques à produire de l’information économique crédible et uniforme pertinente pour les utilisateurs. Les lignes directrices renferment des normes pour la réalisation d’évaluations économiques et l’appréciation de leur qualité, et facilitent la comparaison d’évaluations grâce à une plus grande uniformisation.
Au Canada, c’est l’autorité fédérale en matière de santé (Santé Canada) qui autorise la commercialisation d’un médicament. Cette autorisation, l’avis de conformité, est délivrée en fonction de l’innocuité et de l’efficacité du produit. Le succès commercial d’un médicament est indissociable de son inscription dans la liste des médicaments remboursés dans chaque province.
Chaque province et chaque territoire décide de rembourser ou non le produit. Au Québec, c’est le Conseil du médicament (CdM) qui fait au ministère de la Santé des recommandations relatives au remboursement des médicaments. Ailleurs au Canada, ce processus s’effectue en deux étapes. Le Programme commun d’évaluation des médicaments (PCEM) fait une première recommandation à ce sujet aux provinces et aux territoires; à partir de cette recommandation, un comité responsable de la liste de médicaments dans chaque province ou territoire y va de ses propres recommandations.
Étant donné que tous les médicaments examinés par le CdM, le PCEM et les autorités provinciales et territoriales responsables de la liste de médicaments ont déjà été homologués par Santé Canada sur la foi de leur innocuité et de leur efficacité, lorsqu’on examine un médicament en vue de son inscription dans une liste de médicaments, on se fonde surtout sur les données pharmacoéconomiques présentées. Il est donc essentiel que les fabricants de médicaments formulent des arguments pharmacoéconomiques adéquats en faveur de l’inscription de leurs produits dans les listes de médicaments provinciales.
Les destinataires des études pharmacoéconomiques
D’un point de vue pharmacoéconomique, on estime que le développement d’un médicament comporte trois stades. Le premier stade est l’élaboration clinique (soit les phases I à IIIB). Le deuxième stade correspond à la période où un dossier d’inscription est présenté au Conseil du médicament au Québec ou au Programme commun d’évaluation des médicaments, puis aux autorités provinciales responsables de la liste de médicaments. Le troisième stade est la mise en marché du produit et son soutien commercial.
À chaque stade, on doit fournir aux divers destinataires et décideurs des données pharmacoéconomiques particulières.
Le tableau 1.1-1 résume les applications pratiques de la recherche pharmacoéconomique.
Résumé – Chapitre 1 : Pharmacoéconomie : description et objet
Les contraintes économiques imposées au système de soins de santé au Canada et ailleurs dans le monde amènent aujourd’hui les décideurs à évaluer les interventions liées à la santé non seulement en fonction de leur innocuité et de leur efficacité, mais aussi de leurs répercussions économiques. C’est dans ce contexte qu’est née la pharmacoéconomie.
Les études pharmacoéconomiques visent à répondre à une grande question :
« L’utilisation de telle intervention liée à la santé représente-t-elle un emploi judicieux de l’argent qui y est consacré par rapport aux autres interventions offertes? »
La pharmacoéconomie est une discipline en plein essor. De nombreux aspects essentiels sont toujours en développement (examen approprié du coût, évaluation de la qualité de vie, répartition équitable des ressources, etc.). Tous ces points se préciseront au fur et à mesure que le nombre de chercheurs appelés à utiliser et à parfaire les méthodes d’analyse augmentera.
Pour leur part, les fabricants de produits pharmaceutiques doivent veiller à ce que leur personnel soit rompu aux principes de la pharmacoéconomie et se tienne à l’affût des nouveautés dans ce domaine.
Les sociétés pharmaceutiques les plus au fait de la pharmacoéconomie détiendront un avantage concurrentiel à l’avenir.
Auto-évaluation – Chapitre 1 : Pharmacoéconomie : description et objet
1.
Quelles sont les trois grandes catégories de dépenses de soins de santé au Canada?
1) ______________________________
2) ______________________________
3) ______________________________
2.
Qu’est-ce qui a donné naissance à la pharmacoéconomie?
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_________________________________
_________________________________
_________________________________
3.
Nommez trois payeurs finançant les médicaments administrés aux patients non hospitalisés.
1) _______________________________
2) _______________________________
3) _______________________________
4.
Qu’est-ce qui distingue la pharmacoéconomie d’autres types d’évaluation, comme les études de coûts ou les essais cliniques avec répartition aléatoire?
_________________________________
_________________________________
_________________________________
_________________________________
5.
Quel est le principal objectif de la pharmacoéconomie?
_________________________________
_________________________________
_________________________________
_________________________________
6.
Au Canada, quelles lignes directrices observe-t-on pour l’évaluation économique des produits pharmaceutiques?
_________________________________
_________________________________
_________________________________
_________________________________
7.
Dans les provinces et les territoires autres que le Québec, l’entité qui fait des recommandations relatives à l’inscription d’un médicament dans une liste de médicaments est le ______________________________.
8.
Au Québec, l’entité qui prend des décisions relatives au remboursement d’un médicament est le ______________________________.
9.
Donnez, pour chacun des décideurs ci-après, une application possible de la recherche pharmacoéconomique.
Corrigé de l’auto-évaluation – Chapitre 1 : Pharmacoéconomie : description et objet
1.
1) Les services hospitaliers
2) Les médicaments
3) La rémunération des médecins
2.
Des contraintes économiques, qui ont rendu nécessaire l’estimation du caractère judicieux des sommes consacrées aux produits pharmaceutiques
3.
1) L’État fédéral et les provinces
2) Les assureurs privés
3) Les consommateurs
4.
Contrairement aux autres types d’évaluation, comme les études de coûts ou les essais cliniques avec répartition aléatoire, qui portent sur les intrants (les coûts) des interventions ou sur leurs conséquences (les résultats cliniques), les études pharmacoéconomiques s’attachent simultanément à ces deux aspects (les intrants et les conséquences).
5.
La pharmacoéconomie a principalement pour but de cerner, de mesurer, d’évaluer et de comparer les coûts et les conséquences d’options envisagées pour la prise de décisions économiques éclairées concernant une intervention ou un programme.
6.
Les Lignes directrices pour l’évaluation économique des produits pharmaceutiques : Canada
7.
Programme commun d’évaluation des médicaments (PCEM)
8.
Conseil du médicament (CdM)
9.