MODULE 1 : Preuves à l’appui des facteurs d’efficacité du DPC
Objectifs
Après avoir lu ce module et fait les exercices, vous serez en mesure de déterminer :
- les critiques les plus fréquentes à propos du DPC ;
- les facteurs essentiels à la création de programmes de DPC efficaces.
Le DPC fait-il une différence ?
Cette question semble simple, mais y répondre ne l’est pas. Beaucoup de temps, d’argent et d’efforts sont investis pour le DPC des professionnels de la santé et il est tout à fait légitime de se demander si les résultats valent l’investissement. À cette question, certains répondent « oui » et d’autres répondent « non ».
Ce débat à propos de la valeur du DPC dure depuis longtemps. L’objectif ultime du DPC peut être décrit comme l’assurance des normes de soins et de sécurité les plus élevées pour les patients. En considérant l’enseignement ou la formation nécessaire pour atteindre cet objectif, il est aussi important de se poser les questions suivantes :
- Le but du DPC consiste-t-il toujours à modifier les pratiques ?
- Si oui, pouvons-nous affirmer que cette modification est le résultat de notre intervention ou de notre programme ?
- Qu’arrive-t-il si aucune modification n’est nécessaire pour la bonne raison que les pratiques des médecins concernés correspondent déjà aux normes d’excellence ?
Nous le répétons, le but ultime du DPC est d’assurer aux patients les normes de soins les plus élevées possible et d’avoir un effet positif sur les résultats des soins de santé. Parfois, les pratiques des professionnels sont déjà de très haut niveau. Parfois, les résultats des soins de santé ne sont pas attribuables à des mauvaises attitudes ou à un manque de connaissances ou de compétences qui nécessitent un enseignement plus approfondi, mais plutôt à une mauvaise communication ou à un manque de soutien organisationnel en ce qui concerne le changement. Ces problèmes ne font pas partie de ceux que nous pouvons résoudre par l’intermédiaire d’activités éducatives.
Nous devons reconnaître également que les professionnels de la santé participent souvent à des activités de DPC pour confirmer leurs pratiques et non nécessairement pour les modifier.
Affirmer qu’un programme qui n’a pas modifié les comportements pratiques est un programme non réussi, c’est faire preuve d’une vision trop étroite. Un programme qui contribue à établir des normes de soins positives en confirmant les bonnes connaissances et les bons comportements actuels est aussi un programme réussi ! Parfois, l’écart entre les pratiques actuelles et les pratiques idéales est très faible et, par conséquent, aucune modification significative ne sera observée au moment de l’évaluation du programme.
De plus, il y a plusieurs étapes à franchir avant de modifier les habitudes de pratique, y compris :
1) l’inconscience du besoin de changement ;
2) la contemplation qu’un changement est peut-être nécessaire ;
3) l’engagement à apprendre de nouvelles informations et compétences ;
4) la mise en pratique du nouveau comportement et son maintien.
En participant à une activité éducative, une personne qui n’avait aucunement conscience de la nécessité de modifier ses pratiques peut en arriver à contempler la possibilité de les modifier. Une telle évolution est aussi une mesure du succès d’une activité éducative. (Voir le modèle de modification du comportement de Prochaska dans le Module 10).
En résumé : Apprendre est une activité complexe. Au lieu de se demander uniquement si « l’activité de DPC a fait une différence ? », la recherche en éducation reconnaît maintenant davantage sa complexité et se concentre plutôt sur les éléments de l’intervention éducative qui sont nécessaires pour assurer la maximisation des résultats positifs. Donc, la question que nous devons nous poser maintenant est « Quels facteurs contribuent à l’efficacité du DPC ? »
Cependant, pendant plusieurs années, les gens se sont interrogés sur l’efficacité des activités d’ÉMC. En conséquence, la confiance en la capacité de l’ÉMC à aborder les écarts identifiés dans la prestation des soins de santé n’était pas grande. Toutefois, le travail important qui a été effectué au cours des 20 dernières années a démontré l’efficacité de l’ÉMC, si [en italique dans la version originale du texte] elle est planifiée et mise en oeuvre conformément aux méthodes qui se sont avérées efficaces. (Moore. Macey report 2008)
Théorie
Les recherches ont démontré qu’une intervention éducative doit comporter plusieurs facteurs et stimuli divers pour favoriser la modification des comportements. Se fier à une conférence en soirée pour modifier en profondeur un comportement dans la pratique est un peu trop optimiste. C’est possible, mais peu probable. La citation suivante (non récente, mais toujours vraie !) illustre le processus que suivent la plupart des apprenants professionnels avant de modifier leurs pratiques :
« Les médecins ne modifient pas leurs pratiques en fonction d’une information provenant d’une seule source. Des études récentes démontrent en effet que l’adoption d’une nouvelle pratique découlerait d’un processus complexe au cours duquel le médecin (individu), percevant un besoin de changement, cherche à obtenir de l’information de diverses sources, sur une période donnée. Bien que des sources d’information variées puissent faciliter les premières étapes du processus, il en reste que la capacité de jeter un oeil critique sur la documentation médicale et de trouver conseil auprès d’autres professionnels locaux joue un rôle important dans la décision de modifier une pratique. » (Parboosingh et coll. 1984)
Davis et ses collaborateurs (2010) ont examiné 99 études comparatives avec randomisation sur le DPC. Voici ce qu’ils ont découvert :
- Les conférences ont prédisposé les apprenants au changement, mais n’ont pas joué un rôle majeur dans la modification de leur performance ou de leurs pratiques.
- Les discussions de cas, les exercices pratiques, les simulations et autres méthodes qui encouragent les apprenants à mettre la théorie en pratique ont été efficaces pour modifier les comportements dans la pratique.
- Lorsque les interventions éducatives comportaient deux stratégies et plus, la probabilité de modification des comportements dans la pratique était plus élevée.
- Lorsque des stratégies visant à renforcer de nouveaux comportements dans la pratique étaient introduites dans les interventions éducatives, celles-ci devenaient alors beaucoup plus efficaces.
- Lorsque les interventions éducatives étaient espacées dans le temps et qu’elles s’échelonnaient sur deux ou trois rencontres, la rétention des nouvelles informations était meilleure. Par exemple, un programme composé d’une série de 6 séminaires comparativement à un programme d’une journée.
- Les activités préliminaires et postérieures aux activités éducatives ont accru l’efficacité des pratiques.
- Les programmes qui sollicitaient l’engagement actif des apprenants et qui comportaient des activités de résolution de problèmes et de prise de décision ont produit de meilleurs résultats que ceux qui proposaient un mode d’apprentissage plus passif.
Dans un article plus récent sur les résultats de leur étude, Marianopolis et ses collaborateurs (2007) expliquent que la documentation sur l’éducation soutient la conclusion voulant que le DPC soit efficace au moins à un certain degré pour réaliser et soutenir les objectifs établis, y compris les connaissances, les attitudes, les compétences et les comportements dans la pratique ainsi que les résultats cliniques.
Cette étude renforce celle de Davis et ses collaborateurs et démontre que :
- l’emploi de techniques multiples procure l’amélioration des connaissances ;
- l’inclusion de l’apprentissage basé sur des cas augmente les probabilités d’améliorer les connaissances et les attitudes ;
- les programmes longitudinaux (c.-à-d. les séries d’activités ou séances menées au cours d’une période donnée, p. ex., des rencontres une fois par mois pendant six mois) procurent un taux plus élevé de modifications des pratiques.
En effectuant plusieurs études systématiques en 2014, Cervero a déterminé que l’ÉMC (DPC) :
« a une incidence positive sur la performance des médecins et sur les résultats de santé des patients… Ses études concluent également que l’ÉMC a une incidence plus positive sur la performance des médecins que sur les résultats de santé des patients. »
Ses études soutiennent les recherches antérieures ayant démontré que l’ÉMC entraîne l’amélioration de la performance ainsi que les résultats de santé des patients si elle est plus interactive, si elle utilise diverses méthodes, si elle permet des expositions multiples, si sa durée est plus longue et si elle se concentre sur les résultats que les médecins jugent importants.
Les articles mentionnés précédemment soulignent le fait que les meilleurs résultats sont obtenus au moyen d’interventions éducatives qui comportent des stratégies prédisposantes, habilitantes et renforçantes.
- Stratégies prédisposantes : Soulever l’intérêt ou solliciter l’attention des participants (p. ex., évaluation des besoins d’apprentissage, prétest de connaissances, entrevues)
- Stratégies habilitantes : Choisir les méthodes qui favorisent l’apprentissage et la rétention (p. ex., aide-mémoire, algorithmes, données sur des patients [fournir des exemples, des outils qui facilitent la mise en application], lignes directrices).
- Stratégies renforçantes : Planifier la mise en pratique (p. ex., exercices de réflexion, signature d’un engagement à changer, entrevues de suivi, questionnaires ultérieurs sur les connaissances, rappels et rétroaction)
Vous en apprendrez davantage à propos de ces stratégies en lisant les autres modules de ce manuel et en consultant le matériel suggéré dans les ressources complémentaires.
Récapitulation :
Ce que nous savons pertinemment :
- Le but du DPC a de multiples facettes et inclut la confirmation des bonnes pratiques et la modification du comportement dans la pratique lorsque cela s’avère nécessaire et approprié.
○ Une seule conférence a peu d’influence sur la modification des pratiques.
○ Si une modification des pratiques est nécessaire, les interventions les plus efficaces sont les interventions longitudinales qui comportent des stratégies multiples.
○ Aucune intervention ou séance de formation unique ne réussit à modifier le comportement dans la pratique.
○ La présentation de données pertinentes tirées de dossiers médicaux améliore significativement l’efficacité de l’intervention.
○ L’apprentissage actif est la clé pour accroître les probabilités de modification des comportements dans la pratique.
○ Les interventions éducatives qui utilisent plus d’une stratégie (prédisposante, habilitante et renforçante) sont les plus susceptibles d’entraîner la modification des comportements.
Vérifiez vos connaissances
1. Examinez un programme de DPC à l’élaboration duquel vous participez actuellement. Quels facteurs dans la conception de ce programme permettent d’assurer que les participants vont continuer à utiliser des pratiques efficaces ou, s’il y a lieu, qu’ils vont modifier leur comportement dans la pratique ?
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2. Supposons que le programme a pour but d’amener les apprenants à modifier leur comportement dans la pratique, quelle activité pourriez-vous inclure pour :
a) prédisposer les apprenants ?
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b) habiliter les apprenants ?
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c) renforcer le changement de comportement ?
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Vous trouverez les réponses à ces questions dans le texte précédent.
Pour en savoir plus
- Cervero RN, Gaines JK. (2015) The Impact of CME on Physician Performance and Patient Health Outcomes: An Updated Synthesis of Systematic Reviews. Journal of Continuing Education in the Health Professions, 35(2):131-138
- Cervero Effectiveness of Continuing Medical Education (2014): Updated Syntheses of Systematic Reviews, Ronald M. Cervero and Julie K. Gaines, July 2014 ACCME Page 17 of 19 652_20141104
- Davis, D.A., & Galbraith, R. (2009). Continuing medical education effect on practice performance: Effectiveness of continuing medical education: American College of Chest Physicians evidence-based educational guidelines. Chest, 135 (Suppl 3): 42S – 48S.
- Davis DA, Thompson MA, Oxman AD, Haynes RB. (1992) Evidence of the Effectiveness of CME. JAMA September 2, Vol 268, No 9
• Forsetlund, L., Bjorndal, A., Rashidian, A., Jamtvedt, G., Obrien, M.A., Wolf, F., Davis, D., Odgaard-Jensen, J., & Oxman, A.D. (2009). Continuing education meetings and workshops: Effects on professional practice and health care outcomes. Cochrane Database of Systematic Reviews (2): CD003030 - Green L, Kreuter M. (2005). Health program planning: An educational and ecological approach. 4th edition. New York, NY: McGraw Hill.
- Marinopoulos SS et al. Effectiveness of Continuing Medical Education. (2007) Evidence Report/Technology Assessment No. 149 (Prepared by the Johns Hopkins Evidence-based Practice Center, under Contract No. 290-02-0018.) AHRQ Publication No. 07-E006. Rockville, MD: Agency for Healthcare Research and Quality.
- Olson, C.A., & Tooman, T.R. (2012). Didactic CME and practice change: Don’t throw that baby out quite yet. Advances in Health Sciences Education: Theory and Practice, 17(3), 441-451.
- Parboosingh J et al. (1984) How Physicians make changes in their clinical practices. Annals RCPSC Vol 17 No 5
- Thomas, M.D. Gregory P. Prokopowicz, M.D. Rehan Qayyum, M.D. Eric B. Bass, M.D. (2007), M.P.H. Effectiveness of Continuing Medical Education AHRQ Publication No. 07-E006
Termes à chercher dans Internet
- Modèle de planification avant et après
- Efficacité de l’éducation professionnelle continue
- Le DPC fait-il une différence ?
- Stratégies prédisposantes, habilitantes et renforçantes dans l’apprentissage des adultes.
Fin du module 1
Ce module vous a présenté des preuves solides de la valeur des activités de DPC et des facteurs qui contribuent à améliorer leur efficacité.
Le module 2 vous présentera les notions fondamentales de la théorie de l’apprentissage des adultes qui servent de fondement à la planification des programmes.